Le siège de Géant

Le siège de Géant
Une merveille des monts Kabyè

vendredi 19 septembre 2014

Souvenirs de voyage

On passe à Wahala souvent sans s'arrêter. Sans même savoir qu'y gisent des soldats d'une guerre débarquée sur nos terres: la guerre de 14 - 18.
Le 11 juillet dernier (2014) j'ai fait escale à Wahala. et j'ai pris des photos du cimetière européen.
ce que j'ai pu remarquer, c'est que même dans notre mort, la différence sociale et raciale qui qui nous cloisonnait dans la vie continue de nous cloisonner dans la mort.
Les lieutenants sont enterrés à part.












Les soldats sont jetés dans la fosse.





Une autre chose me froisse: pourquoi n'avoir pas mis dans le même cimetière tous les soldats tombés ce jour-là à la bataille de Chra? Où est le cimetière des soldats nègres tombés ce jour-là?
"HONNEUR ET PATRIE " peut-on lire: pour quelle patrie ces soldats nègres se battaient-ils et pour quel honneur?

L'Europe a embarqué tout le continent noir dans une bataille née d'un assassinat. L'Europe ayant atteint un développement industriel et économique insoupçonné allait s'offrir une récréation en attisant des rivalités. et voilà comment naquit cette conne de guerre qu'on a débarquée au Togo. qui a fabriqué ce cimetière qui vit et les tombes mortes, oubliées.

Dans la cour de cette école à Wahala, il y a aussi cette tombe. Aucune explication? Aucune épitaphe. Pourquoi? Serait le premier soldat tombé? Le dernier? Le guide qui m'a conduit n'a pu rien m'expliquer.











Au passage j'ai pu admirer sur les murs de l'école les dessins sensibilisant les jeunes filles élèves.

















Si ces pauvres soldats avaient su! Ils auraient préféré cultiver leurs tarots et ignames et manger de la chauve-souris et de l'agoutis! à l'époque ces animaux n'étaient pas vecteurs d'ébola. 


jeudi 11 septembre 2014

LA LITTERATURE TOGOLAISE : REGARDS SUR LA DERNIERE CRUE

LA LITTÉRATURE TOGOLAISE : REGARDS SUR LA DERNIÈRE CRUE
La moisson du champ littéraire togolais de cette année est riche en poésie, avec plus d’une demi-douzaine de titres. Toutefois il est plus pertinent de retenir un recueil de poèmes, un autre recueil  de pièces de théâtre et un essai dialogué pour, d’une part, témoigner de la diversité des productions, et d’autre part, prouver l’émulation qui caractérise le monde des belles lettres au Togo. C’est pourquoi Libations  de Joseph Kokou KOFFIGOH, Panafricanisme et Renaissance africaine  de Edem KODJO et Balade Théâtrale  d’un collectif de dramaturges togolais pourraient, chacun en ce qui le concerne, écrire  l’une et ou l’autre page des lettres de noblesse de la littérature togolaise.
Libations ou la réécriture des mythes fondateurs
En effet  la majorité des poèmes de ce quatrième recueils  de J.K.K , Libations  qui confirme son désir de s’affirmer comme le plus prolixe du genre au Togo – soit un ouvrage par an depuis 2010 et de régulières publications sur Facebook-  est une réécriture actualisée des différents mythes fondateurs des peuples du Togo. Une tentative littéraire de conjuration du passé que connoterait le titre.  Le poète, en toute liberté, revisite l’imaginaire des Tem, Kabyè, Moba, Ewé, Mina, qu’il restructure en  défiant  toutes les interprétations populaires ou scientifiquement acceptées. Ainsi,  Le Roi AGOKOLI retrouve la noblesse de la sagesse prophétique qui justifierait la célébration d’Agbogbozan de nos jours, et  YENDU  le dieu de Dapaong  trouve sa genèse dans ‘’ les grands bassins du Tchad’’. 
Ce faisant, le griot occupe toute  l’amplitude  du conteur  à qui l’art sacré impose des élans divinatoires. On comprend donc que le style  de KOFFIGOH soit souvent laudatif car sa poésie épique divinise par leur geste – gesta en latin- tous les règnes : animal, végétal et minéral.
Toutefois,  le poète, par humanisme, n’abandonne pas son lecteur au vertige de l’apesanteur  entretenu par son panthéisme. Il lui tend une main afin qu’il redescende sur terre, car sa poésie est ‘’…le rêve d’un monde/ Immense et en eau profonde,/Où les mensonges immondes/ Qu’on diffuse sur les ondes,/ Sombrent en une seconde…’’
Alors, en decrescendo, l’élan initial des vers se diffuse dans une poésie plus profane, parfois humoristique, qui culmine à l’épisode de la mésaventure  d’un soldat – ‘’Un char à la plage’’. Seulement le lecteur s’attendait à trouver un fil conducteur qui relit les poèmes de la première partie, ‘’Exaltation’’ dans la seconde partie, ‘’Rêves et Réalités’’.
En attendant les mémoires de E. KODJO
Puis, vient  Edem KODJO avec son long entretien de 150 pages avec Ebénézer L. LAWSON, Léopold A. MAMAVI et Joseph K. YOVODEVI. Il est vrai que nous attendons toujours ses mémoires, mais Panafricanisme et Renaissance africaine est une autre forme de regards rétrospectifs en quatre parties thématiques et chronologiques sur le parcours d’un engagement panafricaniste.
 En fait, les questions-prétextes des trois journalistes de renom permettent à l’homme politique de faire son bilan critique du Panafricanisme à partir de ses fondements et de son histoire, tout en reconnaissant ses espoirs et ses désillusions ; le rôle de l’Organisation de l’Unité Africaine qui était sensée mettre en œuvre les idéaux des Pères fondateurs.  Comme tout bilan objectif doit s’inscrire dans une perspective, Edem  KODJO,  entre un Afro-pessimisme suicidaire et un Afro-optimisme béat, voudrait demeurer lucide.  C’est pourquoi il choisit une position dite réaliste  qui l’amène à envisager la conception, pour l’Afrique, des ‘’ Objectifs du Millénaire pour le Panafricanisme. Seulement, ses soucis du pragmatisme lui imposent une vision à court terme, compte tenu de l’urgence de l’actualité. Le Président de la Fondation Pax Africana soutient plutôt  les ‘’Objectifs de la Décennie pour Panafricanisme-ODP-, comme feuille de route qui doit inscrire le continent sur la voie d’un développement humain, inclusif et durable.
Il est vrai que des lecteurs qui s’attendraient à des révélations sensationnelles sur les coulisses du Panafricanisme seront déçus. Mais, l’ouvrage dont la version anglaise vient de sortir, a le mérite de nous convaincre qu’ ‘’au-dessus des nuages, le ciel est toujours bleu’’.
Une balade bien méritée
Cette lueur d’espoir nous autorise à nous divertir par une Balade Théâtrale en six étapes, organisée par six guides rompus à l’exercice : F. ADEHENOU, J.M. AJAVON, A. DUFEU, K.D. GALLEY, J. KANTCHEBE et N. M. TINGAYAMA de l’association Escale des Ecritures nous proposent chacun une courte pièce qui dramatise le conflit entre deux personnages. Une gageure,  si l’on sait qu’il est très difficile, en fiction littéraire,  de condenser le déroulement d’une crise sur 14 pages. Et pourtant, ils ont pleinement respecté la règle définitive du théâtre, telle que la définissait  J. RACINE, qui est de ‘’ plaire et de séduire’’.
La preuve, aucun lecteur-spectateur ne peut s’empêcher de prendre partie dans la coexistence conflictuelle des tandems Flipin/Flamos, Fred/Zila, Elle/Lui, Fall/Prosper… Et puis, la frontière entre rêve et réalité est si tenue qu’on les confonde jusqu’à  s’impliquer dans les différentes actions pour camper la fonction d’opposant, d’adjuvant, de régulateur, ou des trois à la fois. Certes,  les nostalgiques des longues tirades seront certainement frustrés, mais reconnaissons que l’unanimité est rarissime en Art…
Finalement, si KOFFIGOH nous renoue avec la tradition, KODJO nous propose des perspectives pour notre meilleur devenir alors que KANTCHEBE et Consorts nous ramènent  aux contradictions de notre vécu quotidien. Ces différents projets d’écriture se lisent donc dans une linéarité continue qui justifie que ces trois ouvrages sont disposés les uns à côté des autres sur l’un des rayons de ma bibliothèque. Je vous convie à faire de même.
Guy Kokou MISSODEY
Professeur de Lettres
Critique Littéraire