Le siège de Géant

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Une merveille des monts Kabyè

mercredi 12 mai 2010

« Tintin au Congo », une école de racisme ?



Depuis trois ans Bienvenu Mbutu Mondondo, un ressortissant congolais se bat en Belgique pour que l’album « Tintin au Congo » soit retiré de la vente parce que dans son quotidien il est « victime d’actes racistes, par exemple au travail ou pour avoir un appartement. Tintin au Congo, c’est cette image qu’on est en train de donner justement aux enfants qui peuvent éventuellement se référer à Tintin au Congo, pour dire que, finalement, ces gens-là sont des imbéciles sur qui il faut crier… ». L’affaire va passer au tribunal cette semaine.
D’un côté la langue.
Morceaux choisis : « Ça y en a missié blanc venir et battre petit noir… Coco il avoir peur… Et missié blanc partit avec tomobile ».
« Si, si, toi y en a volé li fétiche »
« Toi y en a grand sorcier ! Toi y en a devenir roi des m’Hamoutou ».
Et bien d’autres perles.
De l’autre côté, le contenu.
On reproche dans cet album à Hergé de faire Milou, le chien de Tintin, traiter un groupe de Congolais de « Tas de paresseux ». (P 20). Il faut relever qu’à la page 12, le même Milou traite Tintin lui-même de « Paresseux ».
J’ai dû relire l’album. D’autres souvenirs de lectures me sont remontés à l’esprit. « Un foutu monde pour un blanchisseur trop honnête », une pièce de théâtre de Pierre Bemba, publiée en 1979 aux éditions CLE Yaoundé. Dès la seconde réplique de la scène 1, on peut lire : « Monsieur Gentil. Ah ! vraiment, le bon Dié il dort pas. Après la souffrance, il t’a pensé au jour dé aujord’hui ». Tout le texte en est tissé. Il y a aussi la langue dans Chemins d’Europe, de Ferdinand Oyono, un classique de la littérature africaine. Et bien d’autres œuvres de la littérature africaine.
Serait-ce une auto-flagellation ? J’en doute !
Il est vrai que Bienvenu Mbutu Mondondo et bien d’autres noirs en Europe et aux Etats Unis sont victimes d’actes racistes. Mais lorsque je prends Tintin au Congo sur le plan purement de la fiction, je ne fais pas le même constat. La fiction est une fiction.Dans le cas présent, une fiction remplie de stéréotypes d’une époque coloniale où les préjugés raciaux faisaient foi.
Quant à la langue, il est encore courant de rencontrer certains africains parler ce français, un peu pas français dans nos rues. Je crains que notre susceptibilité d’anciens esclaves, d’anciens colonisés, nous fasse voir des démons partout. Le combat à mener aujourd’hui, c’est que les pays colonialistes introduisent dans leurs programmes scolaires et universitaires, des thèmes sur l’esclavage et la colonisation dans leurs manifestations les plus abjectes et les inhumaines. C’est en apprenant ce que leurs ancêtres ont fait aux peuples noirs, c’est en se rendant compte de la contribution énorme des peuples noirs à la construction et à la fortune de leurs nations qu’ils sauront apprécier et respecter les noirs qu’ils méprisent dans leur rues aujourd’hui, à Paris, à Bruxelles, à Lisbonne, à Berlin ou à Londres. Retirer Tintin au Congo de la vente, je ne crois pas, ne résoudrait pas le problème du racisme en Europe. Le combat est ailleurs.

3 commentaires:

  1. Je suis complètement d'accord. Le combat est ailleurs. Le démon c'est la simplification. Il est vrai qu'il est plus difficile de lire Tintin avec un regard historique sur la colonisation (pourtant lire cet épisode de Tintin à notre époque soulève des questions) que de l'avaler tout cru. Idem quand il s'agit de le lire avec son enfant. C'est un bon moyen de parler de la colonisation, et aussi du comment un homme comme Hergé a pu se laisser aveugler par la propagande coloniale, alors que c'était plutôt un homme en quête de sagesse et de tolérance, me semble-t-il.

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  2. Allez, supprimons Tintin, supprimons Conrad,supprimons Le devoir de violence, supprimons... citez-moi tous les livres à retirer de la vente qui parlent de l'Afrique, je m'en charge, j'ai le temps pour cela.

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  3. http://www.ina.fr/art-et-culture/litterature/video/I08312560/herge-sur-la-polemique-autour-de-ses-albums.fr.html

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