Le siège de Géant

Le siège de Géant
Une merveille des monts Kabyè

vendredi 15 mai 2009

Extraits coup de cœur de Parcours de combattants, Gerry Taama

I
« Ils étaient quatre personnes à avancer dans la nuit sans étoiles. Il y avait trois hommes habillés de façon ordinaire : jeans, T-shirt bariolés, espadrilles. L’un d’eux, sans doute le chef, avait à la main droite une sorte de cimeterre à la lame exagérément recourbée. Les deux autres encadraient Aurore. La fille avait les mains liées et le visage tuméfié, mais elle conservait dans le regard cette défiance qui la rendait inaccessible. Le groupe arriva sous un gros baobab et s’arrêta. Il devait être 4h environ ; quelques coqs chantaient dans le lointain. L’obscurité était totale. L’homme au cimeterre désigna l’arbre et les autres s’exécutèrent. Ils attachèrent la fille grâce à des liens prévus à cet effet et allèrent se mettre une dizaine de mètres plus loin. Le silence de la forêt était troué par le hululement entêté d’un hibou. L’homme au cimeterre fit un geste brusque du bras : un de ses adjoints s’abaissa et actionna une manette dissimulée dans les herbes. Un gros projecteur, dissimulé dans un baobab voisin, s’alluma et noya la scène d’un éclat éblouissant. Aurore ferma instinctivement les yeux. L’homme leva le bras gauche et entreprit une série de pas s’apparentant étrangement à une samba. Les deux acolytes se mirent à battre les mains suivant une cadence donnée par le chef. Aurore ouvrit les yeux pour les refermer aussitôt ; la lumière du projecteur était trop forte.
L’homme au cimeterre se mit carrément à danser, sur un rythme devenu démentiel. Il bondissait, virevoltait sur lui même, se retournait parfois pour encourager ses acolytes, puis repartait sur la piste pour de nouveaux exercices. Il maniait son arme avec une dextérité remarquable. Il la passait rapidement d’une main à l’autre, la lançait parfois en l’air pour la récupérer au haut vol, le tout agrémenté de pirouettes à faire pâlir de jalousie un acrobate de cirque. L’homme s’arrêta brusquement, fit face à ses compères et lança un cri rauque. Les autres crièrent aussi à l’unisson et changèrent la cadence du battement de mains. Celle-ci devint plus rapide. La danse sur la scène s’était muée en une suite de bonds successifs autour du baobab. Avec des allures de triple sauteur, l’homme progressait en suivant des lignes concentriques dont on devinait à peine les contours tenus sous la lumière crue du projecteur. Au troisième tour, comme il se trouvait à un mètre environ de l’arbre, il lança le cimeterre en l’air, le rattrapa sur un bond, et avant que son pied ne touche le sol, l’abattit lourdement sur le cou de sa victime. La tête, tranchée net, se détacha dans un geyser de sang et roula sur l’herbe verte gavée de rosée. L’homme au cimeterre fit un signe de la main à ses camarades qui aussitôt mirent fin à la « musique ». Il avança placidement vers la tête sanguinolente. Mais alors qu’il s’accroupissait pour la saisir par les cheveux, les yeux du faciès s’ouvrirent brusquement, et une voix claire, pleine de rage, troua le silence en disant :
- Jérôme, pourquoi m’as-tu abandonnée ? » (P 104 – 105)



II
« - Et n’oubliez pas d’économiser les batteries. Travaillez le timing, au lieu de mater les gonzesses du village.
Les deux chefs d’équipe s’éloignèrent en gloussant.
Lorsqu’il se retrouva seul, Kirbi ne résista pas à l’envie de sonder une fois encore les cases où se trouvait le soupçon d’un lit. Mais apparemment, les villageois n’avaient pas la tête à batifoler cette nuit-là. Dépité, il éteignit la lunette en souriant : l’homme qui avait inventé cet appareil devait avoir des choses à reprocher à son épouse. » (P 211)

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