Le siège de Géant

Le siège de Géant
Une merveille des monts Kabyè

mercredi 3 juin 2009

Partir comme on s'en va, s'éclater de bonheur et tomber sur une histoire inattendue sur les monts Kabyè.


J’ai profité du lundi férié de Pentecôte pour m’offrir une randonnée dans les monts Kabyè, précisément à Soumdina-Haut Kaadè.


Pour cette première randonnée je suis allé sur le mont Kalingba, dont on dit qu’il culminerait à 785 mètres. Je n’ai pas fouillé mon livre de géographie pour vérifier ça.


Mais je me suis fait un immense plaisir, moi qui adore les promenades dans les régions montagneuses. Mais que d’efforts il m’a pourtant fallu ? Gravir le mont à quatre pattes. Ce qui d’ailleurs confirme le nom du mont : Kalingba , ce qui signifie en Kabyè : monter en marchant à quatre pattes (Ndla). Mes guides, étaient à l’aise, pourtant ! Je voulais surtout faire des photos relatives à l’empreinte laissée par le premier Kabyè tombé du ciel. C’est vrai que des esprits pervers s’en sont entre’temps servi pour des propagandes tribalicopolitiques. Mais je suis allé sur le mont Kalingba parce que mon guide m’a raconté une histoire curieuse et j’ai voulu vérifier de visu l’information.

Le mont Kalingba tient son nom de cette pierre et d’une panthère. Il raconte qu’une seule personne d’une seule main peut faire bouger cette pierre. Mais que plusieurs personnes ne la peuvent faire bouger (j’adore cette construction du pronom complément placé avant le verbe. J’adore. Ça fait XVIIème siècle). J’ai essayé. Sans succès. Mais mes jeunes guides me disent qu’il y a un endroit précis où toucher. On a tous essayé, la pierre n’a pas bougé.



Le vieux prêtre traditionnel connu en pays kabyè sous le nom de "Tchotcho", Pandou Pèlinguèye, totalise 11 wassi. 1 Wah en pays Kabyè correspond à une période de 5 ans après l'initiation. L'initiation elle commence à 20 ans et dure 5 ans. Ce qui fait pour le vieux prêtre traditionnel près de 80 ans. Il explique que cette version de la pierre qui bouge remonte aux guerres tribales au cours desquelles les habitants de Kouméa avaient essuyé plusieurs échecs à vouloir emporter la pierre, parce que celle-ci protégerait les populations de Soumdina-Haut. Il est de coutume que les visiteurs jettent sous la pierre Kalingba, des pièces d'argent pour dire une dire. Les élèves, à la veille des examens, vont y jeter des stylographes, des crayons et dire prières favorables à leur réussite. Cela marche-t-il? J'ai dit une prière aussi et jeté une pièce. Qui vivra verra.

On peut trouver aussi sous cette pierre des cauris, des bagues, des coupe-coupe rongés par la rouille et des tessons de pots de terre cuite.


L’histoire de cette pierre et de ce mont est aussi liée à l’histoire d’une panthère. Le vieux prêtre traditionnel dit qu’il vit sur le mont Kalingba, une vieille panthère qui serait le fétiche du village Soumdina-Haut Kaadè. C’est cette panthère qui donnerait son nom à la pierre Kalingba. Le vieux prêtre explique que c’est une bête innoffensive. On peut aller la regarder sans crainte. Son antre est peuplé de grosses mouches noires. Il lui arrive certains soirs de venir s’offrir une ballade dans le village. Ces soirs-là, il y a beaucoup de moustiques qui dévorent les dormeurs. Elle peut aussi descendre au village prendre un cabri ou un mouton et s’en aller avec. Dans ce cas, cela signifie qu’elle est mécontente et qu’il faudrait donc « chercher » pour en trouver la raison. J’ai voulu m’y rendre. Mais il faut faire un long détour et le prêtre traditionnel qui s’en occupe n’était pas disponible. Sûr que j’y retournerai. Il faut voir cette histoire de panthère de très près.

S’agissant de l’empreinte du premier homme, le vieux prêtre traditionnel a expliqué qu’elle ne se trouvait pas sur le mont Kalingba mais sur un autre mont. Malheureusement, je ne pouvais pas non plus aller voir cette empreinte. Où se trouveraient également l’empreinte d’une patte de chèvre et d’une paume de la main. Il m’a demandé de revenir une autre fois. J’aurai la chance de trouver le prêtre qui s’en occupe. Mais je pouvais voir une empreinte à Lama-Saoudè.

Il a pris pourtant soin de me donner une version de l’origine du peuple Kabyè.

Le premier homme Kabyè serait sorti sous une pierre sous ce baobab.

Aujourd’hui le tas de pierres rassemblées pour indiquer cette apparition est remplacée par une hutte. Malheureusement, je n’ai pas pu la voir, cette hutte, car c’est encore un autre Tchotcho qui officie là. Le premier homme, Abalou Sêmou, (traduction : Homme chauve-souris : Note de l’auteur (Ndla)) serait monté sur le mont Kalingba et aurait vu dans la vallée à Samalaboudè la fumée d’un feu. Il serait descendu chercher le feu, feu que la femme aurait pris de la foudre. Mais par trois fois sur son chemin retour, le feu s’est éteint. La femme lui aurait demandé de rester dormir. Ce qu’il aurait fait. Et pas une seule nuit. Puisqu’ils auraient eu deux filles. L’homme, Abalou Sêmou, aurait pris l’une des filles et serait remonté sur le mont Kalingba. Sa descendance forme donc les peuples de Lama Saoudè, Soumdina, etc. L’empreinte de Lama Saoudè, serait l’empreinte d’un fils de Abalou Sêmou. Tandis que la femme serait allée donner la seconde fille en mariage à Lassa.


J’apprends aussi qu’un blanc avait voulu bâtir une maison sur le mont Kalingba. Il commençait la fondation et le lendemain, la trouvait effondrée. Il reste encore de cette entreprise un amas de pierres qui auraient servi pour la construction.

J’ai fait mes adieux au vieux, à son épouse et à mes deux guides, à qui je tiens à dire merci. Beaucoup de bonheur à Ehouloum Atiyodi, 12 ans, classe de CM1 et à Magamana Gnim (traduction : je verrrai la fortune, Ndla), 17 ans en Seconde Littéraire au Lycée de la montagne.



Puis je suis parti à Lama Saoudè chercher l’empreinte humaine laissée sur une pierre. Infortune : le monsieur sur lequel je tombe se réclame jeune frère du chef canton de Lama. Il ne veut pas d’histoire. Il soutient mordicus qu’il n’y a jamais eu d’empreinte humaine sur aucune pierre à Lama Saoudè. Il a juste la connaissance d’une trace de patte de biche sur une pierre. Et il me conduit voir la trace.



S’il y a une empreinte humaine sur une pierre, c’est à Samala. Mais je découvre au passage une curiosité : Loukida. Cette hutte serait

Cette hutte serait un étang d’eau protégé. Tous les cinq (5) ans, on sacrifie en le plongeant dans l’eau, de nuit, un bœuf vivant. Chouette ! Faudrait voir ça ! Je me dis, que je dois déchanter.

Alors je monte à Samala. Infortune : le prêtre traditionnel que je suis supposé voir est en deuil. Néanmoins, il accepte de me recevoir et me livre une autre version de l’origine du Kabyè. C’est le vieux Tchazquê Limdou, 12 wassi, soit 12 x 5 + 25, soit un total de 85 ans. Il y a certes une empreinte à Lama Saoudè. Si le jeune n’a pas voulu m’y conduire, c’est pour deux raisons : la première serait qu’il ne pleut pas. Et il faut faire des cérémonies avant d’aller dans ce sanctuaire. La seconde, un blanc serait venu « prendre quelque chose en bas » de l’empreinte. Il ne s’agit pas d’une prise physique. Non ! C’est une histoire de sorciers ! Le fait est que je n’ai pas vu l’empreinte qui est bel et bien à Lama Saoudè.



Le vieux prêtre traditionnel Tchazquê, débite de l’air de celui qui en sait long sur ce qu’il dit, l’histoire du peuple Kabyè. Dieu aurait créé un homme (Tidim Gnamassa) et une femme (Dodo). Ils auraient eu des enfants ; dont l’aîné serait le fondateur de Lama, le second, le fondateur de Lassa et le frère puîné, le fondateur de Samala. Dieu mit des œufs dans un mortier et demanda au fondateur de Lama de piler. Il refusa. Celui de Lassa aussi refusa. Mais celui de Samala pila les œufs et il sortit dans le mortier, des pintadeaux et des poussins. Les frères lui demandèrent de prendre ses poussins et ses pintadeaux et de s’en retourner chez lui. Lorsqu’il arriva à Samala, il trouva que les poussins et les pintadeaux étaient en fait la pluie. Ce qui explique aujourdh’ui que ce sont les peuples de Samala qui détiennent seuls le pouvoir de faire tomber la pluie. C’est aussi ce peuple qui capture la mort en fouettant Saoudè Kayibada, à chaque habiyè, une danse traditionnelle ou sont faites des démonstrations mystiques.


Je suis rentré àKara en passant par Lama Gnangbadè. Je parlerai de cet intinéraire et de l’idée farfelue que j’ai eue dans un prochain billet. Je suis rentré éreinté, mais comblé. Et la sensation forte que j’ai eue au cours de cette randonnée est une sensantion bizarre, liée à la hauteur et à la puissance.

En observant de haut …


les minuscules cases, les géants baobabs qui se minusculisent, (eh, c’est encore un autre bâtard que je colle à cette langue chérie, le Français)…


sous mon regard élevé, j’ai eu la forte sensation d’être tout-puissant. Alors j’ai semblé seulement comprendre pourquoi les rois, les présidents adorent les trônes. J’ai aussi compris pourquoi Dieu préférait le ciel :

La hauteur donne l'impression de puissance.

4 commentaires:

  1. je me suis regale de votre randonnee. Vous semblez etre alle a la chasse au Mythes. Les mythes donnent un sens a nos vies collectives.

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  2. C'est quand même bien de découvrir du pays. Je crois que c'est audacieux et instructif. Vous avez déouvert des choses que personne ne découvre s'il n'entreprend un tel acte

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  3. quelle histoire? félicitation mon frère

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