Le siège de Géant

Le siège de Géant
Une merveille des monts Kabyè

vendredi 15 mai 2009

Café-littéraire sur Parcours de combattants, roman Auteur : Gerry Taama Edition : L’Harmattan, Paris 2009



Jérôme du Bercenay, Ba-Yoko et Aurore Bitimuku : trois destins projetés dans un conflit ethnique aux lendemains d’élections présidentielles contestées, dans un Kiiguland, un pays imaginaire de la corne d’Afrique coincé entre Djibouti, l’Ouganda, le Soudan et la mer rouge. Trois destins, tout au long d’une trame faite de rebondissements et de suspens, vont tisser un récit telle une corde à trois fils. Le candidat Mamba ayant contesté les résultats des élections a créé une branche armée ALPO (Armée pour la Libération des Peuples de l’Ouest de son parti le MPED (le Mouvement Patriotique pour l’Eveil Démocratique). Les affrontements avec les forces loyalistes, ont vite fait de dégénérer en conflit ethnique : les Bakufus, l’ethnie du président élu Makélé contre les Mambas, l’ethnie du président malheureux. C’est dans cette atmosphère délétère, dans cette pagaille sanglante que l’ONU envoie une mission de maintien de la paix composée de soldats Bangladais et de soldats Français, dont le lieutenant Jérôme du Bercenay, fils du duc de Bercenay.
Voici campé le cadre de Parcours de combattants, le roman qui a fait l’objet d’un café littéraire le 14 mai 2009 à Kara. Kangni et moi avons joué aux modérateurs, devant des enseignants d’université, des étudiants, des enseignants du secondaire, des élèves et de bien d’autres personnes. Le café littéraire a tourné autour de la connaissance de l’auteur, son arrivée dans le milieu littéraire togolais et ses modèles, autour des personnages, surtout le trio Ba-Yoko, Jérôme et Aurore, réunis dans une relation triangulaire faite d’amitié (Ba-Yoko – Jérôme), d’amour (Jérôme – Aurore) et de haine (Ba-Yoko – Aurore), autour de son écriture, une écriture comme des coups de kalachnikov, rapide et précise, enfin, autour de ses projets immédiats.
Parcours de combattants n’est pas une initiation au métier d’armes, ainsi que le titre peut nous pousser à penser. Il faut ensuite échapper au sens strict du dictionnaire qui définit le « parcours de combattant » (combattant au singulier) comme « un parcours semé d’obstacles (murs, barbelés, échelles de corde, poutres, etc.) que doit accomplir un soldat en armes dans un temps donné » (Le Nouveau Petit Robert 2009). Il faut préciser que ces obstacles sont au nombre de vingt (20) dans l’armée française. Bon, voilà ! Mais le pluriel à « combattants » du titre, ouvre une investigation littéraire plurielle et la lecture qui s’impose tout de suite, présente ce roman comme un hymne à l’amitié et, ainsi que l’a confié l’écrivain lui-même dans une note de lecture publiée sur www.Togocultures.com, Parcours de combattants est une histoire de« fraternité d'armes, qui survit au temps et à l'espace. » Une amitié avec toutes ses ramifications de complicité, de secrets tus, d’ascenseur renvoyé, de disputes, de conciliation, une amitié que rien n’ébranle, qui se déploie au mépris et au détriment des raisons d’Etat. La patriotard Ba viole tous les règlements pénitentiaires et militaires de son pays pour aider son ami Jérôme à sauver son amoureuse Aurore. Jérôme au nom des cette amitié, confie des secrets de sa mission à son ami Ba.
L’amitié et l’amour s’installent dans une relation triangulaire entre Aurore, Ba et Jérôme et l’amitié est au service de l’amour. Le personnage le plus complexe de ce roman se trouve être le lieutenant Ba, un personnage déchiré, tenaillé d’un côté par le remords de la bavure de Tchibaya lorsqu’il a abattu le professeur et la conscience aiguë qu’il a de sauver la fille, convaincu que tant qu’il ne l’aura pas fait, il sera toujours poursuivi par le fantôme du professeur le pourchassant toutes les nuits avec un coupe-coupe, et de l’autre sollicité par l’ami français qui lui est rongé par un amour dévorant pour la même fille.
Le roman pointe aussi l’hypocrisie droit-de-l’hommiste des missions onusiennes de maintien de la paix qui consistent à regarder les peuples s’entretuer sans intervenir. Le Lieutenant du Bercenay a observé d’une colline toute la scène de l’embuscade sans intervenir. Il est descendu après l’assassinat du Pr Bitimuku prélever des indices et c’est contre le règlement qu’il sauve la fille Aurore Bitimuku des griffes d’une foule vengeresse. A quoi sert une mission de maintien de la paix si les casques bleus doivent regarder les peuples se massacrer sans intervenir ?
Si nous posons le postulat que toute lecture est un départ en aventure, alors Parcours de combattants est une île à découvrir, une île située dans un ici et un partout de l’Afrique avec sa senteur fétide de sang, son parfum entêtant de poudre à canon, sa légendaire hospitalité qui contraste avec sa soudaine et inexpliquée barbarie.
Parcours de combattants est de ces thrillers qui poussent à tourner la page suivante, encore et encore, tant qu’on n’est pas allé jusqu’au bout de l’histoire, jusqu’au dénouement.
On pourra lire l’interview de que l’écrivain nous a accordée, publiée sur www.togoforum.com.

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