Le siège de Géant

Le siège de Géant
Une merveille des monts Kabyè

mercredi 6 mai 2009

"Qand on est triste": un poème de l'oncle sauvé par un neveu mangeur de couli-couli

J’aimerais partager ici une curieuse histoire que j’ai vécue, il y a plus de 20 ans maintenant. J’avais un oncle, Apollinaire Mao, étudiant à Bordeaux en France, décédé en France le 15 octobre 1982. Respect à toi, oncle, où que tu te trouves. J’étais alors en classe de 5ème au CEG Agbandi. Cinq (5) ans plus tard, au lycée de Sotouboua, en classe de 1ère A4, j’achète des beignets d’arachides (couli-couli) au bord de la route et la revendeuse m’emballe soigneusement ma marchandise dans une feuille de papier, format A4. Après que j’ai fini de me régaler de mes beignets, je me suis rendu compte qu’un texte poétique était dactylographié sur la feuille. Je ne me suis pas retenu, j’ai lu le texte pour me rendre compte à la fin que ce texte était signé Apollinaire Mao. Mon oncle paternel.
Comment se fait-il que ce texte, écrit par mon oncle me tombe sous la main de cette façon ? Avait-il un message à me livrer ? Les morts ne sont pas morts, dit-om ! Et pourquoi moi ? Au même moment, je me disais que si je n’avais pas acheté ces beignets d’arachide, j’ignorerais encore aujourd’hui que j’ai eu un oncle qui écrivait des poèmes. Le poème lui-même serait peut-être tombé dans des mains insouciantes qui l’auraient détruit. Depuis j’ai fouillé tout ce que j’ai pu avoir de lui, (livres) à la recherche d’autres textes. Nada !
Je vécus cela bizarrement, partagé entre l’impression que c’était un signe du ciel et la conviction cartésienne qu’il n’y avait pas matière à s’interroger outre mesure. Je retournai supplier la revendeuse de me remettre le reste des feuilles. Il se trouve que c’était un journal du lycée Sokodé des années 70 que tenaient les élèves. Le reste était sans intérêt, pour moi évidemment, et je lui retournai le journal. Pendant longtemps j’ai gardé jalousement cette page avec le poème de mon oncle comme un talisman reliquaire. De peur de perdre la feuille, je l’ai recopié dans mon premier recueil de poèmes et dans plusieurs autres cahiers. Je voudrais ici lui donner une vie électronique, avec la prière qu’il échappera aux mites et à l’oubli.
Voici le poème :

Quand on est triste

Quand on est triste, mon ami,
Quand on est triste,
On n’est plus soi-même
On se sent la proie préférée du jour.
On accuse le soleil de mal levé
Ses rayons, des flèches empoisonnées.

Quand on est triste, mon ami,
Quand on est triste,
Tout le monde est triste
Le soleil n’approche plus le zénith
L’angélus perd sa belle voix habituelle
On ne sait plus rire

Quand on est triste, mon ami,
Quand on est triste
La nuit n’enlève plus les soucis du jour
On a peur d’elle,
Elle devient la maison hantée
On se couche, l’œil ouvert
L’âme solitaire errant
On ne sait où ;
Jusqu’aux tristes premières lueurs
D’une autre triste aube
D’un autre triste jour.

Quand on est triste, mon ami,
Quand on est triste,
Tout est Tristesse autour de soi.

2 commentaires:

  1. Bonjour Ami !
    Ce journal, nous l'avons lancé en 1964 avec les terminales. Nous étions aidés par notre professeur de Philo. Mr Candau un Poète plus qu'un Philosophe. Avant de venir à Sokodé il avait été en poste à Harar sur sa demande et pour retrouver l'âme de Rimbaud.
    Que sont-ils tous devenus ? " Mors ultima ratio "
    Jean Pierre

    RépondreSupprimer
  2. Comme j'aurais aimé vous écrire, vous rencontrer!

    RépondreSupprimer